Un théologien devenu évêque s'exprime sur la responsabilité des théologiens
Compte-rendu de la conférence
de Joseph Doré
16 mai 2003, Altkirch

 

 

Dans l'interview introduisant sa participation aux conférences Culture et Christianisme le 16 mai à Altkirch, le Père Joseph Doré a évoqué la résolution qu'il a prise au moment d'accepter la charge d'archevêque de Strasbourg en 1997 : "J'interrogerai l'évêque que je vais devenir à partir du théologien que je suis, et le théologien à partir de l'évêque". C'est avec clairvoyance et courage que, dans cet entretien, il a abordé en tant que théologien quelques-unes des grandes questions que l'évolution contemporaine pose à la pensée et à la pratique chrétiennes. Il a relevé le caractère toujours actuel de la subversion évangélique, a fait observer que la théologie ne peut se construire qu'à travers l'histoire concrète des hommes, et a expliqué que les représentations de la foi ainsi que les institutions qui les véhiculent doivent être sans cesse revisitées pour que l'essentiel du message chrétien puisse continuer à être entendu.
Dans sa conférence, l'évêque a semblé prendre le pas sur le théologien, et la responsabilité des théologiens a été présentée comme un fait et une tâche allant de soi, ne posant pas problème. Distingué du saint et du prophète, le théologien est investi du ministère spécifique de repenser la foi selon les exigences de la démarche scientifique, en fonction d'un environnement et d'une rationalité qui évoluent continûment, et de l'exprimer en faisant appel aux langages nouveaux en usage. Mais cette mission, c'est seulement de l'Eglise instituée que le théologien la tient et il ne peut l'assumer qu'en lien étroit avec le peuple croyant et le magistère. Membre des instances d'autorité en tant qu'évêque, le Père J. Doré a cependant fortement insisté sur la responsabilité personnelle du théologien, qui s'engage lui-même lorsqu'il rend compte de sa réflexion sur Dieu et sur les relations de Dieu avec l'humanité. La théologie est recherche et débat, et le théologien ne peut donc être crédible qu'en étant laissé libre dans le cadre des responsabilités qui lui sont confiées.

Nombre de personnes ne se situant pas ou plus dans le giron du catholicisme romain ont eu le sentiment de ne pas avoir été rejointes extra muros pour le partage sans préalables que l'interview leur avait donné à espérer. Parmi les catholiques par contre, beaucoup ont été heureux d'entendre leur évêque rappeler les positions officielles de leur Eglise en un temps où bien des incertitudes les inquiètent. Mais pour vivre l'Evangile et en témoigner, pour contribuer à la libération annoncée dans le magnificat et le texte d'Isaïe évoqués par le Père J. Doré, les uns et les autres auront à se vouer pareillement au service des hommes et du monde, sans se prévaloir de prétentions particulières. Et de fait, la plupart des quatre cents personnes venues à la Halle au blé d'Altkirch pour cette conférence se sont certainement réjouies d'apprendre quelles sont, pour ce théologien devenu évêque, les priorités actuelles de la recherche théologique : la sauvegarde de la terre et de la vie, la défense de l'éminente dignité de tous les hommes et en particulier des plus faibles, et le dialogue avec les autres religions et le monde séculier.

Jacqueline Kohler


recherche-plurielle.net