Un catéchisme au goût de liberté

Que diable vient faire ici, dans un mensuel protestant, un catéchisme écrit par des catholiques ! L'initiative peut paraître d'autant plus inopportune que le terme de catéchisme suffit, à lui seul, à provoquer l'ennui et l'incrédulité que sécrète d'ordinaire le vocabulaire religieux…

D'un genre inédit, ce catéchisme ne relève pas d'un catholicisme banal et aurait mérité un titre plus poétique. Il ne vise pas à enseigner de façon systématique et définitive les vérités qu'il faut croire et les conduites qu'il faut adopter pour être un bon chrétien, et il ne s'attribue aucune autorité ecclésiastique. Avec modestie, il interroge la foi à partir des graves questions que les hommes et les femmes se posent aujourd'hui, et il réfléchit avec eux sur les engagements que commande l'évangile face aux difficultés de notre temps. Questions de vie et de mort, qui engagent notre responsabilité personnelle et collective dans le monde et dans l'Eglise. En pratique, il aura fallu quatre ans pour confronter sur le terrain les convictions et les doutes des croyants pris dans les bouleversements actuels, et pour baliser un chemin. La démarche tient en cinq chapitres, dans un incessant va-et-vient à l'image de la vie.

Premier constat : l'existence est d'abord relation. Alors que la solitude mène à la mort, la relation ouvre sur la confiance et la fidélité qui portent la vie. L'intolérance, le racisme et l'exclusion tuent l'homme en détruisant la relation ; l'accueil et la justice, l'amour et le pardon enfantent l'humanité en chaque personne et dans la société. Mais l'homme ne se réduit pas à sa dimension propre, et le Dieu qui l'habite est lui-même relation. D'où la question du second chapitre : où rencontrer Dieu et comment cheminer avec lui ? Animée par une espérance enracinée dans l'infini, la recherche spirituelle est multiple. Pour les croyants, elle peut passer par l'expérience d'une présence, par la méditation de la Bible et par la prière, comme par les célébrations qui jalonnent l'année liturgique et la vie des chrétiens. Puis, sans craindre de s'écarter des positions conformistes, l'ouvrage opte pour une morale créative, respectueuse des situations historiques nouvelles. Il propose des points de repère par rapport aux transformations en cours dans la famille, dans l'économie et le domaine politique, ainsi que par rapport à l'avortement, l'euthanasie, la non-violence et la peine de mort. Ce n'est qu'après un examen de ces problèmes concrets que sont esquissées les grandes lignes d'une foi décantée se référant à la Révélation et aux dogmes, aux mystères de la souffrance, du mal et du salut. L'ouvrage se termine par une réflexion sur l'Eglise, toujours à faire naître à travers de réelles actions de libération, dans le cadre d'une collaboration œcuménique sans frontières.

Cette publication ne présente pas la perfection habituelle des catéchismes. Refusant de transformer les croyances reçues en faux savoirs, elle n'a pas réponse à tout et n'est pas lissée par la langue de bois. En s'inscrivant dans le provisoire et l'imparfait, loin de toute prétention normative, elle constitue une invitation enthousiaste à mener sans délai et autant que possible une vie libérée par l'évangile, au service du monde et à la recherche de Dieu. La foi qui l'inspire brise le moralisme et les enfermements dogmatiques ou identitaires qu'affectionnent les Eglises, et propose à tous les hommes de bonne volonté un partage fraternel du message d'amour apporté par Jésus-Christ. C'est hors des murs du christianisme traditionnel, sur nos chemins quotidiens, que les auteurs, Jacques Gaillot, l'évêque d'Evreux déposé par le Vatican, Alice Gombault et Pierre de Locht cherchent à rejoindre nos contemporains.

Jacqueline Kohler

recherche-plurielle.net