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S’il est très utile de faire connaître les faits rapportés par ce diaporama pour réveiller les consciences et les mobiliser, il faut cependant veiller à ne pas accréditer une lecture superficielle des problèmes évoqués, de type populiste. Livrer les énarques à la vindicte des petits actionnaires est aisé, mais cela ne mène à rien tant que ces derniers ne regrettent que l’argent qu’ils ont perdu et ne rêvent que de le récupérer dans le cadre du système en place. Pour sortir de la désastreuse situation actuelle, il faut voir plus profond et plus loin, et engager des combats plus difficiles.
Fourrer tous les énarques dans le même sac pour leur imputer nos malheurs est aussi vain qu’arbitraire. Indéniablement, les faits dénoncés par ce diaporama sont tout à fait scandaleux, et ils devraient inciter à la rébellion contre les cyniques qui méprisent l’intérêt commun pour imposer un ordre social subordonné à leurs privilèges. Mais de façon pareillement indéniable, il ne s'agit là que de la partie émergée de l'iceberg de notre système social. Or cette partie visible n'est, tous comptes faits, que chose assez dérisoire par rapport à l'énorme masse qui flotte à l'abri des regards et détermine toutes les dérives. Bien sûr que les petits contribuables et les petits actionnaires sont effrontément spoliés alors que les grands continuent de s'engraisser après avoir encaissé de monstrueux bénéfices, et bien sûr que les responsables de ces détournements devraient être traduits en justice sans délai pour être sévèrement condamnés. Mais les fautes commises à ce niveau ne sont en réalité que de médiocres performances en comparaison de la massive et meurtrière prédation inhérente au système dominant dont les énarques stigmatisés ne représentent qu'un rouage parmi beaucoup d’autres ! Le capitalisme de rapine qui régit le monde est coupable de crimes bien pires en sacrifiant l’économie réelle à la spéculation financière, en suscitant partout d’effroyables guerres, en affamant physiquement et moralement les populations les plus pauvres de la planète, et en leur inoculant la haine d'une "civilisation" qui viole sans vergogne les valeurs qu'elle affiche.
Que l'on remplace tous les énarques par des polytechniciens ou par les majors des plus brillantes universités nationales et étrangères, que l'on réforme le cursus des études dans tous les instituts de formation des cinq continents, ou que l'on substitue des acteurs de terrain expérimentés aux dirigeants en place, cela ne changera à peu près rien à l’iniquité régnante. Mieux vaut certes avoir des responsables compétents et honnêtes à la tête de l’État et des affaires, mais le fond du problème est ailleurs et aucun toilettage ni aucune moralisation de surface ne peut y remédier. Le mal est congénital au système qui nous gouverne et auquel, petits nantis ou grands, nous demeurons tous viscéralement attachés. L'argent est devenu l'ultime valeur qui commande notre société et nous sommes tous responsables et coupables. Qui est prêt à se rebeller en prenant les risques que cela comporte ? Plus modestement, qui est disposé à accepter sans préalable hypocrite une réduction sensible du niveau de vie pour amorcer le partage des biens ? De fait, les détenteurs du pouvoir politique et économique ne représentent, quelles que soient l'école d'où ils sortent et leurs compétences, que les serviteurs d'un système que nous soutenons sans l’avouer parce qu’il nous profite en attendant la catastrophe en gestation. Le temps est peut-être venu de lire enfin ou de relire, conjointement et avec loyauté, Karl Marx injustement vilipendé à cause du communisme qui l'a trahi et – pourquoi pas ? – le message des évangiles depuis longtemps vidé de sa force subversive. Mais c'est trop dire et pas assez...
Où se situent, par rapport aux drames actuels, les instances éthiques telles que les Églises? Ce qui fait problème de ce côté-là, ce n'est pas tant l'incompétence – monumentale et infiniment regrettable là aussi – de beaucoup d'ecclésiastiques haut placés, ni leur honnêteté personnelle – qui est dans l'ensemble moins sujette à caution que celle des énarques du diaporama. Mais c'est, là encore et en dépit des protestations, la plus ou moins étroite collusion objective avec les forces hégémoniques qui – sous couvert d’un libéralisme d’apparence respectable – détruisent inexorablement l'humanité et le monde. Ce qui fait problème, ce sont les fonctions que la religion assure sans relâche depuis des siècles, inconsciemment le plus souvent, dans l'organisation d’un ordre social profitant d’abord aux puissants. Les questions radicales qui permettraient de séparer la vérité du mensonge et l'engagement prophétique de la compromission politique sont soigneusement éludées, et les institutions ecclésiastiques privilégient leurs propres intérêts au détriment de la crédibilité du message dont elles se réclament. Que représentent dans ces conditions, en regard des forfaits qui se commettent de connivence avec les Églises, les prières et les cultes auxquels elles président ? Cf. "Marchandisation du monde et ambiguïté des positions chrétiennes"
Jean-Marie Kohler
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