Traditions et perspectives théologiques
   
 
 
 


 
Points de vue

LA MISSION À L'HEURE DE LA MONDIALISATION


Ce bref article esquisse la problématique de la journée missionnaire organisée par le consistoire de Mulhouse le 21 mars 2010. La table ronde qui ouvrira cette journée traitera des quatre questions suivantes. Le pluralisme religieux est-il seulement un produit fortuit de l'histoire des hommes, ou est-il porteur d'un message de Dieu pour l'humanité ? En quoi le christianisme est-il différent des autres religions, et quel type de relations avec les autres religions implique sa nature particulière ? L'annonce de l'évangile s'identifie-t-elle nécessairement à la propagation du christianisme tel que les Églises l'ont conçu jusqu'à présent ? Les religions peuvent-elles dégager un socle éthique commun et s'engager solidairement au service de l'humanité ?

Portée par les progrès des communications et des transports, la mondialisation touche l'ensemble de la vie sociale et culturelle : non seulement l'économie et la technologie, mais également les domaines de la connaissance, de l'art, de la morale, de la religion, etc. Tandis que les différentes sphères religieuses sont longtemps restées plus ou moins étanches, les idées et les pratiques qu'elles véhiculent ont aujourd'hui tendance à se côtoyer, voire à se métisser. D'où, de nombreux problèmes inédits.

Jusqu'à récemment, les chrétiens ont généralement considéré que les autres croyances n'étaient qu'idolâtrie et œuvre du démon – « hors de l'Église, pas de salut » ! Mais aujourd'hui, la théologie commence à admettre que Dieu peut aussi se révéler à travers d'autres religions, chacune intervenant dans une culture particulière et à un moment particulier de l'histoire, et qu'elles peuvent également contribuer à l'avènement de la plénitude du Christ. L'adhésion à la foi chrétienne n'est plus considérée comme indispensable au salut.

Que restera-t-il du christianisme avec les progrès de la mondialisation ? Issu du judaïsme, et notamment de sa tradition prophétique, il s'est d'abord repensé au contact de la philosophie grecque, puis s'est imprégné de l'idéologie romaine, de son juridisme et de son impérialisme, avant de connaître bien d'autres métissages au cours de son histoire. Pourtant, le noyau originel qui le fonde est un message unique et indépassable : les béatitudes, les paraboles qui subvertissent l'ordre mondain, le pardon et l'amour des ennemis. Des vérités éternelles.

L'envoi des disciples par Jésus pour convertir et baptiser tous les hommes jusqu'aux extrémités de la terre – ou tout au moins la transcription que la tradition en a laissé – a été compris comme une injonction à implanter l'Église dans les formes que l'histoire primitive puis les siècles ultérieurs lui ont données – orthodoxe, catholique romaine, réformée, évangélique, etc. Mais l'évangile est-il forcément lié à cet héritage historique ? Ou le message chrétien pourra-il être porté par d'autres formes qui se cherchent dans l'environnement socioculturel contemporain ?

Le problème de l'éthique s'avère crucial ici. Jésus a prêché avec « autorité », est-il écrit, alors même qu'il ne détenait aucun pouvoir religieux : c'est que sa parole l'engageait tout entier pour témoigner de son évangile, jusqu'au supplice de la croix. De fait, les proclamations et les discours des instances religieuses n'ont, quelles qu'elles soient, aucune portée si les religions ne s'engagent pas concrètement pour humaniser le monde. Le service et l'amour priment les doctrines et les cultes, mais les religions sauront-elles en témoigner effectivement ?

Jacqueline Kohler

 

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